Hartmann Schedel : Liber Cronicarum, cum figuris et ymaginibus ab inicio mundi [Le Livre des Chroniques]

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Hartmann Schedel
Liber Cronicarum, cum figuris et ymaginibus ab inicio mundi [Le Livre des Chroniques]
Nuremberg, Anton Koberger, pour Sebald Schreyer et Sebastian Kammermeister. 12 juillet 1493. 


Grand in-folio gothique de (20) ff. pour le titre et la table, 299 feuillets dont 3 blancs, (6) ff. dont une carte sur double page. Maroquin vert, dos à nerfs orné, pièces de titre de maroquin rouge, encadrement d’une dentelle dorée à petit fer sur les plats, chiffre et armoiries frappés à l’or au centre dans un cartouche, coupes et bordures intérieures décorées, tranches dorées (reliure anglaise du XVIIIe siècle). 
Edition originale. 
Les grandes initiales de la table qui occupe les 20 feuillets préliminaires et la première initiale du texte sont peintes à la main en rouge et bleu. Les majuscules du texte sont toutes rubriquées. Le titre gravé a été rehaussé à l’or postérieurement. Plus de 2 000 gravures sur bois. 
Exemplaire de premier tirage, bien homogène et contrasté. 
Grand de marges, il a été entièrement réglé au XVIIIe siècle. Hauteur: 448 mm. Il est complet des feuillets blancs destinés à recevoir les annotations et les additions qu’il plairait au lecteur d’y inscrire. La carte double de l’Europe vient d’un autre exemplaire : elle a été restaurée d’une déchirure. 
Remarquable reliure en maroquin décoré du XVIIIe siècle, exécutée en Angleterre, pour le compte du révérend Th. Williams, avec son chiffre et ses armoiries frappés à l’or dans un cartouche. Sa bibliothèque fut dispersée en 1827 : « Pour les libraires, son nom est l’une des plus sûres garanties de la valeur exceptionnelle des livres qui portent sa marque d’appartenance », Dictionary of English Book-Collectors, p. 309). De la bibliothèque Mac Carthy (Cat. II, 1815, n° 3936 : « Très bel exemplaire, dont le frontispice est peint en or »). Coupes et coins légèrement frottés. 

L’incunable le plus richement illustré.

Le Liber Chronicarum est l’un des incunables sur lesquels on possède le plus d’informations.
Son auteur, Hartmann Schedel (1440-1514), natif de Nuremberg, fit ses études à Leipzig et poursuivit son apprentissage humaniste à Padoue. Là, il étudia la médecine et le grec ancien avant de retourner à Nuremberg où il s’adonna à sa passion principale, les livres. Une grande partie de sa bibliothèque a été conservée, composée de 370 manuscrits et 670 livres traitant de tous les registres du savoir. C’est à partir de ses ouvrages que Schedel a composé son Livre des chroniques.
Son ambition était de retracer l’histoire du monde depuis sa création. L’ouvrage se divise en sept « âges » : 1. de la création au déluge ; 2. jusqu’à la naissance d’Abraham ; 3. jusqu’au roi David ; 4. jusqu’à la captivité à Babylone ; 5. jusqu’à la naissance de Jésus ; 6. jusqu’aux temps présents (partie la plus importante) ; 7. aperçu de la fin du monde et du Jugement dernier.
Le texte s’appuie très largement sur les historiens anciens, grecs et romains, auxquels Schedel ajoute ses propres commentaires.
Les financiers de la publication, Sebald Schreyer (1446-1520) et son beau-frère Sebastian Kammermeister (1446-1503) étaient deux hommes d’affaires fortunés de Nuremberg. Ils firent appel pour l’impression à Anton Korberger, patron de l’une des plus importantes maisons de l’époque, qui avait commencé à imprimer à Nuremberg en 1470 et publia quelque 250 titres en trente ans, se flattant de la qualité et de l’importance de ses tirages. 
Cette première édition latine précéda de six mois l’édition en allemand. Le caractère utilisé est l’Antiqua Rotunda, et le papier un vélin fort comprenant au moins trois filigranes, dont une tour, une croix et une couronne.
Le résultat est absolument remarquable et fait du Liber un des livres à la mise en page la plus sophistiquée jamais imprimés avant 1500, avec une inventivité constante dans l’insertion des images dans le texte. C’est aussi l’incunable le plus richement illustré, avec ses 1808 bois, dont 38 à double page.
Les deux artistes qui supervisèrent l’illustration sont Michael Wohlgemut (1434-1519) et son beau-fils Wilhelm Pleydenwurff (1450-1494). Ils possédaient un atelier, spécialisé dans la gravure sur bois. Albrecht Dürer fut apprenti dans cet atelier de 1486 à 1489, époque où les premiers dessins pour l’illustration de la Chronique furent créés. Les historiens de l’art ont étudié la possible participation de Dürer à ces illustrations en les comparant à son œuvre ultérieure. Ils mettent en avant le soleil et la lune du folio LXXVI. Stephan Füssel écrit ainsi : « Contrastant avec les autre soleils dessinés dans le volume, moins expressifs, cette représentation se distingue par un visage plus délicatement travaillé et un agencement plus inventif des rayons. » Ce soleil et cette lune rappellent d’ailleurs ceux de la sixième planche de l’Apocalypse.
Les bois qui ornent le volume sont d’une beauté et d’une diversité remarquables. Parmi les plus célèbres, on citera la Création, avec ses cinq grandes images successives, où l’on voit l’univers se peupler progressivement, Adam et Eve chassés du paradis, Eve allaitant ses enfants ou la terrifiante danse macabre du folio cclxiiii.
Les représentations des martyres de saints sont également saisissantes. On trouve aussi des portraits des philosophes célèbres de l’antiquité, Diogène, Plotin, Parménide, etc, tout comme la figuration de certains phénomènes (éclipses, comètes). 
Mais l’ouvrage est surtout réputé pour ses grandes vues de villes, dont celles d’Allemagne et d’Autriche notamment représentent des documents à la fois esthétiques et historiques de premier plan, montrant des bâtiments célèbres en train de se construire, ou d’autres qui ont disparu. On a ainsi de magnifiques perspectives de Venise, Nuremberg, Rome, Paris, Padoue, Jérusalem, Rhodes : tout ce que l’Occident connaissait à l’époque.
Le Liber chronicarum constitue ainsi la plus belle somme historique et géographique des connaissances humaines au début de la Renaissance : une entreprise éditoriale monumentale et une merveilleuse réussite artistique.

Prix : 145 000 €